Verdurin

Verdurin — Face
© Roland Tisserand – chez Atmosphère d’Ailleurs – Fleurs par Debeaulieu

« Mais, monsieur Swann, vous ne partirez pas sans avoir touché les petits bronzes des dossiers. Est-ce assez doux comme patine? Mais non, à pleines mains, touchez-les bien.

— Ah! si madame Verdurin commence à peloter les bronzes, nous n’entendrons pas de musique ce soir, dit le peintre.

— Taisez-vous, vous êtes un vilain. Au fond, dit-elle en se tournant vers Swann, on nous défend à nous autres femmes des choses moins voluptueuses que cela. Mais il n’y a pas une chair comparable à cela! »

Marcel Proust, Du Côté de chez Swann
Verdurin — Dos
© Roland Tisserand – chez Atmosphère d’Ailleurs
Madeleine Lemaire dans son salon (1845-1928)
Madeleine Lemaire dans son salon (1845-1928).
Alexandra Exter, Dessin de costume pour Bronislav Nijinska, Une nuit sur le mont Chauve, 1925.

Verdurin, le personnage

Sidonie Verdurin appartient à la bourgeoisie parisienne et règne sur son salon qui réunit autour d’elles peintres, musiciens, écrivains. Swann fréquentera ce salon durant un temps avant d’en être exclu pour en avoir fréquenté un autre. Mme Verdurin ne tolère pas la moindre infidélité des membres de son « clan ».

Mme Verdurin amait vraiment les habitués, les fidèles du petit clan, elle les voulait tout à leur Patronne. Faisant la part du feu, comme ces jaloux qui permettent qu’on les trompe, mais sous leur toit et même sous leurs yeux, c’est-à-dire qu’on ne les trompe pas, elle concédait aux hommes d’avoir une maîtresse, un amant, à condition que tout cela n’eût aucune conséquence sociale hors de chez elle, se nouât et se perpétuât à l’abri des mercredis.

Marcel Proust, La prisonnière

Les vanités sociales sont le moteur de Madame Verdurin, poussant le snobisme jusqu’à revendiquer son absence de distinction. Le salon Verdurin participe à l’émergence d’un nouveau milieu artistique parisien, hétéroclite et avant-gardiste. Elle accélère la carrière de peintres, de musiciens, applaudit les ballets russes…

C’est à travers ce personnage que Marcel Proust peut pointer les prétentions culturelles et sociales de la bourgeoisie parisienne de cette époque.

Verdurin — croquis
© Anthony Guerrée
Fauteuil de style Empire.
Fauteuil de style Empire.
Louis Barillet, Jacques Le Chevallier, Théodore- Gérard Hanssen, Paravent, ca. 1928.
Louis Barillet, Jacques Le Chevallier, Théodore- Gérard Hanssen, Paravent, ca. 1928.
Extrait du cahier de recherche.
Extrait du cahier de recherche.

De la Littérature au design

Vers une chaise-paravent

Le paravent est apparu en Chine avec la dynastie Zhou avant de conquérir les intérieurs occidentaux. Destiné à tracer les frontières de l’intime, à le dissimuler tout en le suggérant. Au fil du temps le paravent est devenu un réel meuble d’apparat notamment dans les années 30 grâce aux créations d’Eileen Gray ou encore de Louis Barillet.

Dans un passage cocasse de Du côté de chez Swann, Marcel Proust met en lumière la relation sensuelle entretenue par Madame Verdurin avec son mobilier. Sidonie Verdurin invite un jour Swann à « peloter » les petits bronzes de son fauteuil de Beauvais :

Mon mari prétend que je n’aime pas les fruits parce que j’en mange moins que lui. Mais non, je suis plus gourmande que vous tous, mais je n’ai pas besoin de me les mettre dans la bouche puisque je jouis par les yeux. Qu’est-ce que vous avez tous à rire ? Demandez au docteur, il vous dira que ces raisins-là me purgent. D’autres font des cures de Fontainebleau, moi je fais ma petite cure de Beauvais. Mais, monsieur Swann, vous ne partirez pas sans avoir touché les petits bronzes des dossiers. Est-ce assez doux comme patine ? Mais non, à pleines mains, touchez-les bien.

Marcel Proust, Du côté de chez Swann

En référence directe à ce célèbre passage de La Recherche, la chaise-paravent « Verdurin » se pare de sphères en bronze martelé invitant au toucher.

© Roland Tisserand – chez Atmosphère d’Ailleurs
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